
Jamais l’évolution d’un tel ou tel secteur en difficulté n’est uniquement tributaire d’un coup de pouce promotionnel. Relativement, oui ! Mais, cela ne lui suffit pas toujours pour se faire valoir et gagner en compétitivité.
La Presse — Le Salon national de la création artisanale, reconnu comme évènement majeur de l’année, doit tenir à cette règle du jeu et avoir le courage de se regarder en face. Car la réalité n’est pas toujours une vérité. Certes, l’économie du marché l’emporte, tout se conforme à la loi de l’offre et de la demande. Mais, l’action de promotion puise souvent dans une certaine logique de markéting et de communication. Sans pour autant être en déphasage avec le potentiel de consommation et des comportements d’achat remarqués. C’est que la 41e édition du Salon de l’artisanat, qui vient de prendre fin, peut constituer un test grandeur nature, révélateur d’indices des prix au-delà des capacités du client à revenu moyen.
Ce qui reste d’un salon !
Alors, que reste-il d’une foire nationale d’envergure ayant réuni, 10 jours durant, plus de mille exposants et un nombre important de visiteurs qui sont, semble-t-il, intéressés par tout produit d’artisanat et des articles faits main ? « On n’a pas pu, certes, saisir pleinement l’opportunité, mais on en a quand même tiré profit. Nous sommes parvenus à vendre certains produits, même si beaucoup de clients nous semblent un peu réticents aux prix proposés…», nous confie une des artisanes des tapis et tissage traditionnel, alors qu’elle s’apprêtait à plier bagage. D’autres ont dénoncé le timing, le qualifiant d’intempestif, de par sa coïncidence avec l’Aid El Idha auquel les Tunisiens accordent plus d’intérêt et lui consacrent tout un budget.
En outre, ce salon quarantenaire, bien qu’il arrive à maturité, ne se voit guère sortir des sentiers battus. On côtoie toujours les mêmes exposants et on découvre les mêmes produits, à quelques exceptions près. Sauf que la fourchette des prix reste encore hors de portée, excédant tout revenu moyen. Au fil des ans, on a du mal à y trouver son compte. Il est vrai que notre artisanat, si joli et précieux, vaut bien l’effort fourni et sa qualité en dit long sur l’art et la perfection de design et de fabrication. Consommer local, c’est bien, mais le pouvoir d’achat ne le permet pas. Interrogé sur cette question, le ministre du Tourisme avait, lors de l’inauguration dudit salon, jugé que les prix sont bon marché. « Ils ne sont pas trop élevés par rapport à la valeur des produits exposés », a-t-il estimé. Toutefois, sur le terrain, on ne voit rien d’accessible.
Faut-il tout revoir ?
Volet animation et communication, le bilan est peu reluisant. Mal aménagés, certains stands et pavillons étaient tombés dans une léthargie totale. Artisanes et artisans s’enlisent toujours dans la même situation. Soit, dans la même crise de production et de commercialisation, faute d’assistance requise et d’approvisionnement régulier en matières premières. A cela s’ajoutent d’autres difficultés d’ordre financier. Et les petits artisans, à travers les régions, en paient souvent les frais. De même, les jeunes promoteurs dans ce secteur n’ont pas eu le vent en poupe. Peu importe le domaine d’activité, s’installer à son propre compte est un parcours du combattant. L’autofinancement étant le talon d’Achille. D’autant plus que la formation continue aux artisans s’avère de mise.
41 ans déjà, ledit salon, dirait-on, est en mesure de faire son mea culpa et préparer sa révolution. Les artisans, eux, ont raison de voir grand et de s’intégrer dans un processus créatif, incitatif à l’innovation et à toute forme de promotion. A vrai dire, ils ont droit à se tailler une part du marché, étant donné que ce secteur contribue, aujourd’hui à hauteur de 5% au PIB. L’année dernière, il a rapporté en devises 150 millions de dinars. Du reste, il y aura beaucoup à faire, afin que l’artisanat tunisien puisse, tout d’abord, répondre aux besoins des clients locaux. L’Office national de l’artisanat (ONA) devrait, quant à lui, tout revoir, pour l’intérêt du secteur et des professionnels.